Théâtre et handicap : organiser un atelier de sensibilisation sur les handicaps invisibles
en bibliothèque universitaire

Le nombre d’étudiants en situation de handicap augmente chaque année. Pourtant, cela ne se voit pas forcément. Comme pour l’ensemble de la population, la grande majorité de ces handicaps sont, en effet, invisibles. De quoi parle-t-on exactement ? Que signifie « invisible » ? Comment cela se manifeste-t-il au quotidien ? Et comment, en tant que professionnels universitaires, accompagner au mieux ces étudiants ?

Pour aborder ces questions, les bibliothèques universitaires de Grenoble ont obtenu un financement IDEX pour porter un projet de sensibilisation aux handicaps, inscrit dans les actions du Schéma directeur de la vie étudiante.

Porté par la mission Accessibilité des bibliothèques, ce projet comporte un volet documentaire, avec l’acquisition de nombreux documents de sensibilisation (bandes dessinées, romans, ouvrages universitaires et professionnels…) et un volet formation-action culturelle sur les handicaps invisibles à destination du personnel universitaire. L’enjeu était pluriel : contribuer à la sensibilisation du public par un choix de documents variés balayant aussi largement que possible la question de la maladie et du handicap, valoriser la bibliothèque comme centre de ressources sur ces questions pour le personnel universitaire, les étudiants et au-delà avec la mise à disposition de bibliographies thématiques, et enfin proposer une forme artistique pour éveiller les consciences et ouvrir le débat. La meilleure des façons pour approcher ces questions est, en effet, de faire un pas de côté pour, précisément, apprendre à questionner « l’invisibilité », mieux « voir » et mieux agir.

Mardi 21 juin après-midi, un spectacle inédit a ainsi été proposé au personnel universitaire pour se former à ces questions : Chronique(s), de Marie Astier. Docteure en Arts du spectacle, spécialiste du handicap, comédienne et formatrice, elle signe un texte très fort, drôle et sensible : une plongée dans ses souvenirs qui nous raconte comment sa maladie invisible a transformé de l’intérieur son enfance et son adolescence. Le spectacle a été suivi d’un temps d’échange avec le public, alimenté par les interventions de la chargée d’accessibilité au Service accueil handicap de l’Université Grenoble-Alpes, et la responsable de la mission Accessibilité des Bibliothèques universitaires.

Pour accompagner cet événement, une bibliographie a été préparée sur les maladies chroniques (hors troubles psychiques) qui vous propose une sélection de documents disponibles dans les Bibliothèques universitaires de Grenoble.

D’autres bibliographies thématiques suivront sur les troubles psychiques, la surdité, les troubles dys et l’autisme.

Ce projet a constitué un moment fort de sensibilisation, à la fois en interne dans les bibliothèques par la collaboration entre les différents services concernés, et au sein de l’université, avec des partenaires de différentes directions (Service accueil handicap, Direction de la culture, Direction de l’environnement social…) et la diversité du personnel touché (enseignants-chercheurs, personnel administratif, personnel des bibliothèques…). Un exemple qui rappelle à quel point œuvrer pour l’accessibilité, c’est aussi créer du lien.

Rencontre avec Marie Astier, autrice et comédienne de Chronique(s), par Bélinda Missiroli, responsable de la mission Accessibilité des Bibliothèques universitaires de Grenoble.

  • Pourrais-tu te présenter brièvement ?

La question de la présentation de soi est beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît. Nous y consacrons justement tout le début du spectacle : comment se présenter ? que (ne pas) dire de soi ? dans quel ordre ? Mais bon, je vais essayer quand même ! Je m’appelle Marie Astier, je suis artiste et chercheuse en Arts du spectacle et je m’intéresse particulièrement au(x) handicap(s), sans doute parce que moi-même je vis avec une maladie chronique.

Côté théorie en 2018 j’ai soutenu une thèse intitulée « présence et représentation du handicap mental sur la scène contemporaine française » que j’ai réalisée sous la direction de Muriel Plana à l’Université Toulouse Jean Jaurès. Côté pratique en 2013 j’ai fondé la Compagnie En Carton, qui défend la vulnérabilité comme une valeur esthétique et politique et avec laquelle j’ai créé plusieurs spectacles dont HOSTO en 2015, Hors de moi en 2019 et Chronique(s), sur lequel je travaille actuellement.

  • Comment est né le projet de spectacle Chronique(s) ?

J’ai eu envie de travailler sur Chronique(s) après l’expérience Hors de moi, adapté du livre de Claire Marin. L’auteure y raconte comment, à 20 ans, elle a découvert qu’elle était atteinte d’une maladie auto-immune.

Lire Hors de moi a été une expérience bouleversante. J’avais l’impression que Claire avait réussi à exprimer des émotions et des sentiments que j’avais ressenti, sans parvenir à les exprimer. L’autre chose qui m’a plu c’est que loin du vocabulaire martial habituellement mobilisé pour parler de la maladie, Claire Marin emploie la métaphore de l’amant possessif. Ça été pour moi un vrai déclic. Pourquoi vouloir se battre contre une maladie qu’on ne sait pas guérir ? Il faut apprendre à vivre avec. Mais comment vivre avec la maladie sans lui céder toute la place, dans sa tête et dans son corps ? Ce corps malade, médicalisé, est-il encore intime ? Ce corps différent est-il sexuel ? La maladie n’est-elle pas une excuse pour pleurer d’autres douleurs ? Finalement, n’est-ce pas moi qui me définis avant tout comme une personne malade ? Très vite, j’ai eu envie de partager mes découvertes et mes questionnements avec d’autres, car en France nous sommes plus de 20 millions à vivre avec une maladie chronique. C’est aussi un véritable défi de comédienne que je me lançais : comment incarner ces mots si puissants pour qu’ils touchent le public autant qu’ils m’avaient touchée ?

Mais compte tenu de la complexité du texte (essai philosophique) et de la théâtralité adoptée (moments de nudité partielle), Hors de moi s’adresse en priorité à des spectateurs et spectatrices de plus de 15 ans.

Avec Chronique(s), j’ai envie de parler (aussi) aux jeunes, de leur transmettre mon expérience parce que je sais, que quand j’étais enfant et ado j’aurais bien voulu voir un spectacle qui me parle, qui me raconte. Pour me sentir moins seule et moins anormale.

Avec la complicité d’Ulysse Caillon, j’ai donc plongé dans mes souvenirs personnels – et dans les archives familiales – pour raconter au public comment ma maladie invisible et omniprésente a transformé de l’intérieur mon enfance et mon adolescence.

  • Le spectacle que tu as joué à l’Université Grenoble Alpes s’inscrivait dans le cadre d’un atelier de sensibilisation aux handicaps invisibles, et était suivi d’un temps d’échange avec le public. Qu’est-ce que cela représente pour toi ? Comment vis-tu ces moments ?

Ces temps d’échange sont très importants pour moi car un des enjeux du spectacle est de créer du dialogue : entre la scène et la salle (comme on dit !) mais aussi entre les spectateurs/trices. Enfant puis adolescente, j’aurais bien aimé qu’un spectacle me fournisse l’occasion de parler avec mes camarades, mes professeurs, mes parents, mes médecins… de ma vie quotidienne avec la maladie.

Et, en ce début de création, ces temps d’échange me rassurent car même si je parle de choses très intimes et personnelles, beaucoup de spectateurs et spectatrices viennent me dire que Chronique(s) leur a parlé voire qu’elles avaient l’impression qu’il racontait leur histoire !

Quelques témoignages du public à l’issue de la représentation :

« Ce spectacle sur les handicaps invisibles m’a fortement impressionnée ! J’ai tout d’abord été très émue et me suis retenue de pleurer à plusieurs reprises. La sobriété de la mise en scène faisait un contraste avec la force émotionnelle qui se dégageait du spectacle. J’ai vraiment aimé la mise en scène, le jeu des deux acteurs, et bien entendu la façon de traiter un thème difficile, en mélangeant humour et sérieux. »

« J’ai beaucoup aimé le spectacle de cet après-midi, c’était touchant, drôle, interpellant … c’est vraiment bien qu’il y ait ce genre de propositions, pour le personnel ou plus largement, bravo ! »

« Merci beaucoup pour cet atelier très riche, à la fois touchant, grave et bourré d’humour. C’est profond et ça ouvre énormément de questions. Les échanges à la fin étaient particulièrement instructifs. »


Journées d’échanges de Réseau Carel sur l’accessibilité des ressources numériques – 11 octobre 2022 – Paris

L’accessibilité numérique des services publics, inscrite dans la loi du 11 février 2005 (art. 47), est une obligation à laquelle l’ensemble des bibliothèques de lecture publique doivent répondre. Le troisième « baromètre de l’accessibilité numérique en lecture publique » initié par la Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC, Service du livre et de la lecture) concluait en 2019 à la nécessité de travailler à l’accessibilité numérique des ressources afin que l’utilisateur en situation de handicap soit en mesure de les consulter. Alors où en sommes-nous en 2022 ?

Cette journée proposera un état des lieux de l’accessibilité des ressources numériques et des pistes pour progresser encore. Elle se déroulera en présentiel à la médiathèque Marguerite Duras (Paris) mardi 11 octobre 2022.

Programme prévisionnel

9h30 : Accueil

9h45 : Ouverture de la journée d’étude

10h : Les cadres juridiques de l’accessibilité numérique

Ministère de la Culture, Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles, Service du Livre et de la Lecture.

10h15 : Le baromètre de l’accessibilité numérique

Premiers résultats de la 4ème édition du baromètre.

Démarches accessibilités des bibliothèques : cahier des charges, recommandations pour le contrôle de l’accessibilité.

Oceane consulting et Com’Access,

Ministère de la Culture, Direction Générale des Médias et des Industries Culturelles, Service du Livre et de la Lecture.

11h15 : Le cadre technique : PNB.

EDRlab, Dillicom (pour Baobab), De Marque (pour Aldico).

12h30 : Déjeuner libre

14h – 17h : Retours d’expériences de bibliothèques territoriales.

Lieu

Auditorium de la médiathèque Marguerite Duras 115 rue de Bagnolet 75020 Paris


Pour s’inscrire : https://pro.bpi.fr/journees-dechanges-et-de-presentation-sur-laccessibilite-des-ressources-numeriques-11-octobre-2022-paris/

Mobilier Facile à lire à tester

Designeuse basée à Rennes, Laure Guillou vient de concevoir un mobilier « facile à lire » à partir d’éléments de mobiliers existants chez un fabricant de meubles très connu. Son but est de permettre à toutes les médiathèques de construire facilement leur propre meuble FAL en 2h, avec peu d’outils et une enveloppe financière restreinte. Laure souhaite créer une notice de montage et la proposer en creative
commons (en libre accès).

Aujourd’hui, la designeuse bretonne est à la recherche d’une bibliothèque qui accepterait d’accueillir le premier prototype, afin de pouvoir observer sa fiabilité et son usage, auprès des bibliothécaires comme du public et d’en modifier la conception si nécessaire.

Pour découvrir le prototype, sur Instagram

Pour contacter Laure GUILLOU : laure@unpoissonpilote.fr

Comité Facile à lire interrégional

Bibliopass, en partenariat avec l’association Li(b)re, et avec le  soutien de la FILL (Fédération interrégionale du Livre et de la  Lecture), et de l’ABF, membres du comité de pilotage national du  Facile à lire, organisent un nouveau comité Facile à lire interrégional  et francophone le mardi 4 octobre de 14h30 à 16h30. Il aura pour  thème : Médiations autour du FAL : pour qui, par qui, comment  faites-vous ? 

Il aura lieu via la plateforme Zoom. 

Infos : https://facilealirefrance.wordpress.com 

Inscriptions : contact@bibliopass.fr 

  • Bibliopass est un organisme de formation et d’accompagnement des bibliothèques vers l’accessibilité, créé et  dirigé par Françoise Sarnowski depuis 2011 
  • Li(b)re est une association créée en Bretagne en 2022. Elle est animée entre autres par Christine Loquet,  bibliothécaire indépendante (Face Publics), Hélène Fouéré, directrice de la Médiathèque de Landerneau et Lucie Beauchamps, bibliothécaire à la Médiathèque de Lorient.

Rencontres nationales « Quand les mots manquent » – 19-20 mai 2022

Les Rencontres nationales « Quand les mots manquent », prévues initialement en mars 2020, puis en avril 2021 en raison du contexte sanitaire, se tiendront finalement les 19 et 20 mai 2022 en visioconférence.

Visuel de "Quand les mots manquent". Femme lisant un livre.

Le programme est disponible et les inscriptions sont ouvertes.

Pour rappel :

La question de la maîtrise de la langue française et de la lecture est un enjeu pour une société ouverte, accueillante et inclusive. Les bibliothèques et médiathèques françaises se sont résolument engagées, depuis plusieurs années, dans la mise en œuvre d’actions en faveur de la maîtrise de la langue française et d’initiatives en direction de publics empêchés et/ou éloignés du livre et de la lecture.
Ces rencontres nationales permettront de mettre en lumière ces actions, de partager les connaissances et les pratiques professionnelles, de susciter les échanges et les projets, de diffuser nationalement les problématiques de l’accès à la lecture et à la langue française.
Ces rencontres présenteront différentes initiatives portées dans les bibliothèques et médiathèques françaises autour des questions de l’accès à la langue française, de l’illettrisme, d’une signalétique adaptée, de la prise en compte de la dyslexie.

Portrait de Catherine Vosgien, référente handicap à la médiathèque municipale Anne Fontaine d’Antony

Cet article est issu de l’intervention de Catherine Vosgien lors de la journée d’étude « Accessibilité et handicap en bibliothèque : vers une organisation pérenne » organisée à la Bpi le 23 novembre 2021 (captation : https://pro.bpi.fr/accessibilite-et-handicap-en-bibliotheque-vers-une-organisation-perenne/ )
Photo de l'Espace Facile à lire avec mobilier et signalétique rouge qui le rend visible au sein de la bibliothèque. La signalétique indique : Espace Facile à Lire de 6 à 16 ans.
Espace Facile à lire de la médiathèque Anne Fontaine

Je m’appelle Catherine Vosgien, je suis responsable de l’espace jeunesse, de l’espace braille et référente handicap (autoproclamée, je vous expliquerai pourquoi !) à la médiathèque municipale Anne Fontaine (2400 m²) de la ville d’Antony (63000 habitants) dans les Hauts-de-Seine. Comme la plupart des personnes, j’ai dans ma famille proche des
personnes touchées par le handicap.

Parcours d’une bibliothécaire territoriale lambda à bibliothécaire référente handicap

Les médiathèques d’Antony possèdent une particularité : un espace braille créé il y a plus de 45 ans [1]. Il y a plus de 18 ans, le directeur de l’époque m’a demandé de chapeauter cet espace jusque-là tenu par des bénévoles. Comme je n’y connaissais pas grand-chose ni au braille ni à la malvoyance, j’ai fait des recherches pour comprendre. J’ai participé à des des journées de formation, j’ai fait des visites de salons spécialisés, de bibliothèques, et j’ai rencontré des lecteurs malvoyants.

Peu à peu, j’ai commencé à monter des partenariats, avec un EMPRO, des associations, un hôpital psychiatrique… et j’ai lancé de plus en plus d’actions, comme des lectures musicales dans le noir, des dîners dans le noir, des projections, des conférences, des spectacles (notamment de Marc Buléon et Frédéric Naud, exceptionnels). J’ai aussi lancé une biennale du handicap en partenariat informel avec des institutions notamment pour des expositions de peinture issues d’ateliers d’art (hôpital psychiatrique du secteur, ou associations, femmes peintres aveugles ou malvoyantes…). Pour moi, il est, en effet, essentiel de ne pas uniquement parler sur les personnes avec handicap mais de leur offrir une place dans la cité, une visibilité, un espace de discussion et de rencontre.

Au bout de quelques années, et à travers toutes ces actions et toutes ces rencontres, j’ai commencé à accumuler des connaissances sur beaucoup de handicaps. J’ai demandé à participer à la commission handicap mise en place depuis longtemps par la mairie d’Antony et à laquelle le maire assiste toujours.

Il y a une dizaine d’années, j’ai senti que nous avions toutefois un déficit dans le domaine de l’inclusion malgré nos nombreuses actions. J’ai également ressenti un manque de visibilité à la fois au sein de la médiathèque (où j’étais juste celle qui s’occupait des personnes en situation de handicap) et au sein de la ville. Je me suis donc autoproclamée référente handicap avec l’aval de ma direction pour donner plus de poids et de visibilité à cette mission.

Ma fiche de poste n’a pas été modifiée pour autant et j’ai même ensuite été nommée responsable jeunesse sans aucun temps dédié spécifiquement au handicap. Cependant ce titre de référent handicap s’est révélé utile pour le public et les institutions, souvent très étonnés qu’un référent handicap existe au sein de médiathèques municipales. J’étais contactée de plus en plus souvent pour l’accueil de stagiaires – ce qui pour moi est un point essentiel. Nous avons ainsi reçu des stagiaires sur de courtes ou longues périodes mais également à l’année une, deux voire trois demi-journées par semaine. Cela demande de l’imagination et la recherche de solutions pratiques mais c’est un axe indispensable. Les stagiaires bousculent notre train-train, on ne s’abrite plus derrière nos collections on est en phase avec l’humain.

Au début, je n’osais pas impliquer les collègues des autres secteurs de la bibliothèque, par peur de les embêter ou de surcharger leur emploi du temps, alors j’ai investi principalement l’équipe de l’espace jeunesse (nous sommes 6). Progressivement, d’autres collègues ont pu s’emparer des questions liées au handicap, à l’occasion de certains projets. Par exemple, suite à des demandes de parents sur des livres DYS, il y a cinq ans, nous avons monté dans le secteur jeunesse un fonds accessible de plus de 300 documents, très fréquenté par des lecteurs avec problème de lectures mais aussi bien plus largement. Dans la foulée, les collègues des autres espaces et de l’autre médiathèque ont lancé une réflexion sur leurs collections et sont en train de finaliser un espace Facile à lire adulte et jeunesse.

Sachant que je partais à la retraite dans deux ou trois ans, je me suis inquiétée du devenir de ce poste de référent. Bien sûr d’autres collègues participent à l’accueil des personnes avec handicap mais j’ai bien compris depuis toutes ces années que le rôle du référent était indispensable et qu’il devait survivre à la personne en poste. Le rôle du référent handicap est en effet primordial, et le pérenniser est une nécessité !


[1] Nous avons la double compétence de centre de transcription et de bibliothèque. Nous prêtons gratuitement nos livres en braille dans toute la France et vers les pays francophones. Dans ce domaine la mutualisation des ressources est absolument indispensable. Alors n’hésitez pas, adressez-nous vos lecteurs de braille ! http://www.inja.fr/Default/doc/ADRESSE/ADRESSE_3/mediatheque-anne-fontaine-d-antony-espace-braille

Accessibilité et handicap en bibliothèque : vers une organisation pérenne – 23 novembre 2021

La journée d’étude « Accessibilité et handicap en bibliothèque : vers une organisation pérenne » se déroulera dans la petite salle du Centre Pompidou mardi 23 novembre 2021. Elle est organisée par la Bibliothèque publique d’information (Bpi), le Service du livre et de la lecture (ministère de la Culture, Direction générale des Médias et des industries culturelles), le Département diffusion des connaissances et documentation (ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation) et l’Association des bibliothécaires de France (ABF).

L’accès au Centre Pompidou est soumis à la présentation du pass sanitaire (sous réserve de l’évolution de la législation).

La journée d’étude sera interprétée en langue des signes française (LSF) et sous-titrée en simultané.

Cet événement sera également diffusé en direct en ligne sur le site professionnel de la Bpi et sur la page facebook, Bpi pour les professionnels avec l’interprétation LSF et le sous-titrage simultané.

Le rapport de l’IGÉSR sur la prise en compte des handicaps dans les bibliothèques de l’enseignement supérieur et dans les bibliothèques territoriales (février 2021) montre les progrès réalisés en matière d’accueil des personnes en situation de handicap dans les bibliothèques mais surtout le chemin qui reste à parcourir.

En effet, le cœur des missions, qui est l’accueil de tous les publics, implique que les bibliothèques adaptent leurs services afin que les personnes en situation de handicap bénéficient de l’accès à la culture, à la lecture et à la documentation tout en participant à la vie citoyenne. La loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a renforcé l’obligation d’adaptation de l’environnement, qu’il soit physique, intellectuel ou numérique. Face à la complexité des enjeux qui va croissant, les bibliothèques ne peuvent plus se reposer seulement sur l’investissement de bonnes volontés au sein des équipes : c’est une réponse structurelle et institutionnelle qui s’impose.

L’action de trois leviers paraît nécessaire pour garantir la mise en œuvre d’une démarche globale : la formalisation, l’identification et la formation. La formalisation du projet d’établissement pour engager la politique de la bibliothèque de manière officielle, reconnue et acceptée ; l’identification afin de désigner les référents handicap au sein des équipes ; la formation dans le but de sensibiliser et acquérir les compétences nécessaires à la maîtrise de l’approche humaine et des sujets techniques.

Programme complet et insciption sur le site de la BPI.

Webinaire « Managing and Marketing Inclusion in Libraries »

Le 28 octobre prochain, l’IFLA propose un webinaire en anglais autour de l’inclusion.

Au programme :

  • Mark Freeman, UK, will speak on the theme Designing Autism friendly public library services: a UK perspective.
  • Verena Lee, Singapore, will speak on the theme Best practices in the field of library inclusion of children with disabilities.
  • Marie Engberg Eiriksson, Denmark, will speak on the theme Universal design to improve accessibility and inclusion.

Pour plus d’informations et s’inscrire : https://www.ifla.org/news/managing-and-marketing-inclusion-in-libraries/

Interview de Christine Loquet

Notre cycle d’interviews continue. Après Aurore Sohier, nous vous invitons à rencontrer Christine Loquet, membre de la Commission AccessibilitéS, bibliothécaire au parcours marqué par une attention permanente aux publics et un fort engagement pour ouvrir l’accès au livre et à la lecture au plus grand nombre, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des bibliothèques.

Photo de Christine Loquet

Pourrais-tu nous présenter ton parcours ?

J’ai un parcours qui a été très tôt marqué par la question des publics. J’ai fait des études de sociologie, et je me suis spécialisée en 3e cycle en sociologie des publics de la culture. Cette obsession pour les publics les plus éloignés ne vient pas de nulle part : fille de paysans, j’ai très vite été convaincue que beaucoup de gens étaient laissés à la porte de nos établissements culturels.

Bibliothécaire depuis 1997, j’ai travaillé dans les bibliothèques de Strasbourg puis Rennes, dirigé une médiathèque de taille moyenne, puis j’ai été pendant onze ans chargée de mission publics éloignés du livre et de la lecture au sein de la structure « Livre et lecture en Bretagne ». Cette mission a été l’occasion de découvrir de nouveaux publics, de nouveaux lieux, et de travailler avec des professionnels du monde du livre de différents horizons, autour de questions très variées. Je viens tout juste de quitter mon poste, non par désintérêt ni par lassitude, mais bien par envie d’explorer de nouvelles pistes d’action, du côté de l’édition et du Facile à Lire.

Comment as-tu rejoint la Commission de l’ABF ?

C’est à l’occasion de mon arrivée à « Livre et Lecture en Bretagne » que je me suis rapprochée de la commission. Le poste de chargée de mission « publics éloignés du livre et de la lecture » venait juste d’être créé. Les domaines couverts étaient nombreux : handicap, prison, illettrisme, hôpitaux… il y avait beaucoup à faire et beaucoup à défricher ! J’avais besoin d’aide, de contacts, d’échanges, et c’est ainsi que j’ai rejoint la Commission « Hôpitaux, prisons », dont est issue la commission AccessibilitéS d’aujourd’hui, après la fusion avec la commission Accessibib en 2019.

Y a-t-il des projets qui t’ont particulièrement marquée dans ton parcours ?

Il y en a beaucoup ! Ce qui me vient à l’esprit le plus spontanément, ce sont des projets en prison.

L’organisation y est toujours très compliquée mais les rencontres et les animations peuvent se révéler vraiment très fortes. Je pense notamment à « Parent(hèse)», un projet autour de la parentalité développé avec la chargée de mission régionale culture/justice. Il s’agissait d’organiser notamment des spectacles de lecture jeunesse dans les parloirs pour permettre aux détenus, souvent des papas, de partager un moment de lecture avec leurs enfants. Cela a pu faire un véritable déclic chez certains détenus qui prenaient conscience qu’ils pouvaient eux aussi lire des histoires à leurs enfants.

Dans un autre domaine, je pense aussi à certains projets autour du « Facile à Lire ». Avec la création du prix Facile à Lire en 2017, de nombreuses rencontres avec des auteurs ont été organisées dans des lieux où se trouvent des publics ayant des difficultés à lire (EHPAD, structures pour personnes en situation de handicap, allophones…). Ces rencontres pouvaient être très fortes car c’était l’occasion pour ces personnes d’oser prendre un livre, ou d’oser prendre la parole. C’est parfois décisif dans la vie d’une personne, et précieux de vivre ces moments-là.

Je garde aussi un vif souvenir d’une action sur la dyslexie. Sous l’impulsion de la bibliothèque des Champs Libres à Rennes régulièrement sollicitée sur ce sujet, un groupe de travail avait été monté, regroupant bibliothécaires et milieux associatifs. Nous avions organisé une rencontre fin 2016 aux Champs libres, lors desquelles étaient présents un groupe de collégiens dys et une jeune fille de 16 ans, Constance, qui avait composé un slam sur sa dyslexie. Cela avait été un moment très beau : les élèves étaient venus la prendre dans leurs bras, touchés par ce partage qui exprimait si bien ce qu’ils ressentaient. On mesure alors à quel point ces rencontres permettent de répondre à un besoin essentiel d’exprimer, de partager, de mettre des mots sur ce qu’on vit.

Qu’est-ce que tu as appris de ces expériences ?

Je dirais tout d’abord la prise de conscience en tant que professionnelle des freins qui peuvent exister pour entrer dans une bibliothèque. C’est ce dont on prend la mesure grâce aux paroles des personnes qu’on rencontre qui avouent ne pas se sentir à leur place en bibliothèque, ou qui pensent que les livres ne sont pas faits pour eux.

Cela permet alors de positionner le métier de bibliothécaire sur un plan plus humain, de se décentrer par rapport au rôle de prescripteur qu’on veut souvent avoir : si personne ne vient dans nos belles bibliothèques voir nos livres si soigneusement choisis, cela ne sert à rien ! Il est important, je crois, de se frotter aux non-publics. J’ai un exemple très précis en tête : souvent les bibliothèques de prison sont faites de bric et de broc, avec des collections issues de dons successifs, mais construites sur le modèle des bibliothèques à l’extérieur avec notamment beaucoup de romans, qui sortent très peu parce qu’ils ne correspondent pas aux attentes et aux goûts des détenus. Cela amène vraiment à questionner ce qu’on fait et ce qu’on ne fait pas en bibliothèque.

Est-ce que tu aurais un message à faire passer ?

On a souvent une image austère des problématiques liées aux « publics empêchés », à l’hôpital, au handicap. Personnellement je connaissais mal les questions liées au handicap, cela me semblait très technique mais quand j’ai commencé à explorer cette question, j’ai découvert la diversité des questions soulevées et j’ai participé à des projets très enrichissants et originaux, qu’il s’agisse par exemple de la constitution d’une banque de données de pictogrammes ou l’organisation de spectacles en langue des signes. Tout cela est très vivant, stimulant et laisse pas mal de place à l’imagination.

Aurais-tu un conseil à donner pour des collègues qui prendraient un poste sur des questions liées à l’accessibilité ? Par quel bout commencer ?

Ça dépend beaucoup du contexte et des priorités de l’établissement, bien sûr, mais je dirais de prendre les sujets les uns après les autres, car l’accessibilité, c’est comme une pelote. Il faut tirer les fils petit à petit, en essayant d’entraîner de plus en plus de collègues avec soi. Et bien sûr, autant que possible, toujours prendre du plaisir !

Pourrais-tu nous en dire un peu plus sur tes projets pour la suite ?

Je lance un projet dans l’édition, qui en est encore à ses premiers pas. En travaillant sur les questions du Facile à Lire avec Françoise Sarnowski, avec de nombreux acteurs, nous avons identifié le manque de bons ouvrages nativement faciles à lire – pour les adultes. Cette idée a mûri au sein de Livre et lecture en Bretagne, mais n’a pas pu y aboutir pour plusieurs raisons, dont celles du positionnement d’une structure régionale pour le livre. Le besoin, lui, est resté, et j’ai eu très envie de me lancer dans ce projet qui me semble plus qu’utile, et me passionne.

Mon idée est de développer une ou plusieurs collections de livres créés en inclusion, c’est à dire dont les textes seront simplifiés grâce à l’intervention des publics visés, sur le modèle de ce qui se fait en Belgique avec la collection « La Traversée » (Weyrich).

Par ailleurs, je viens de créer une structure de formation, Face publics, qui intervient sur la question des publics, et des publics empêchés en particulier, histoire de creuser encore un peu plus dans cette voie.

Affaires à suivre !

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Propos recueillis par Bélinda Missiroli, le 6 sptembre 2021.